Publié le : 22 septembre 2022
Les laboratoires d’analyses dans le viseur du gouvernement |
Les laboratoires d’analyses médicales ont vu leur activité dopée par la crise sanitaire. L’assurance-maladie préconise de faire 180 millions d’euros d’économies sur le secteur via des baisses de tarifs. Le prochain budget de la Sécurité sociale doit aller dans ce sens. |
Par Solenn Poullennec
Publié le 19 sept. 2022 à 18:57 Mis à jour le 20 sept. 2022 à 12:01 |
Une huitième vague de Covid-19 se profile mais une page est sur le point de se tourner pour les laboratoires d’analyses médicales. Après avoir vu leur activité dopée par la crise sanitaire, les biologistes sont aujourd’hui dans le collimateur de l’Assurance-Maladie et du gouvernement à la recherche d’économies.
Le budget de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 présenté lundi prochain par le gouvernement devrait prévoir de réaliser des économies sur ce secteur, selon nos informations. Leur montant pourrait dépasser 200 millions d’euros, indiquent plusieurs sources. |
« Evolution des tarifs »Une telle mesure ne serait pas une surprise pour les biologistes. Déjà en juillet, l’Assurance-Maladie avait donné le ton en proposant dans un rapport d’imposer « une nouvelle régulation financière du secteur ». Confrontée à un déficit de 26 milliards d’euros en 2021, l’organisation proposait plus précisément de réaliser 180 millions d’euros d’économies via des « évolutions des tarifs » de la biologie médicale pour l’année 2023. De quoi faire redouter aujourd’hui aux professionnels une baisse générale du prix des actes remboursés par la Sécurité sociale. |
Rentabilité en haussePour justifier sa proposition, l’Assurance-Maladie fait valoir que la pandémie de Covid-19 a fait exploser l’activité des laboratoires d’analyses. En première ligne pour réaliser des dizaines de millions de tests de dépistage, les laboratoires ont vu leur chiffre d’affaires bondir de 85 % entre 2019 et 2021, à plus de 9 milliards d’euros. L’Assurance-Maladie a beau avoir revu plusieurs fois à la baisse les tarifs des tests liés au Covid-19, elle estime avoir dû débourser plus de 7 milliards d’euros pour financer les dépistages réalisés par les laboratoires privés depuis le début de l’épidémie. Le niveau d’activité hors norme des laboratoires est allé de pair avec une hausse de la rentabilité du secteur de plus de 20 % entre 2019 et 2020, pour atteindre un taux de marge de 23 %, argue la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). De quoi faire tiquer le gouvernement où cette rentabilité élevée est volontiers comparée à celles nettement inférieures du secteur de l’automobile et de l’aéronautique. Dans les rangs de l’exécutif, on souligne aussi que les machines achetées par les laboratoires pour réaliser les tests Covid ont été plus qu’amorties. |
« Niveau très élevé » de rentabilitéLa crise n’explique en outre pas tout. La rentabilité des laboratoires d’analyses était déjà en 2019 « à un niveau très élevé » sur fond de « concentration forte et rapide » du secteur depuis 2010, note la CNAM. Cette concentration « ne s’est pas faite au détriment de l’accès aux soins » puisque le nombre de laboratoires d’analyses est resté stable autour de 4.000. Cependant, la CNAM relève qu’à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays européens, la biologie médicale est, en France, de plus en plus entre les mains de grands groupes privés. Ainsi, les six plus grands groupes de biologie privés – Biogroup-LCD, Cerballiance, Inovie, Synlab, Eurofins et Unilabs – concentrent désormais plus de 60 % des sites. |
« Vilains petits canards »L’analyse de l’Assurance-Maladie n’est pas du goût des professionnels. « On est les vilains petits canards et les profiteurs de crise, c’est agaçant », déplore François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes. « A un moment, les pouvoirs publics ont eu besoin de nous et on a tout fait. » Pour le biologiste, le gouvernement ne doit pas surréagir après des années certes exceptionnelles, alors que les laboratoires sont comme tous les autres acteurs économiques touchés par l’inflation et sont sous pression pour revaloriser les salaires. Aux yeux du syndicat, le gouvernement, aujourd’hui aux prises avec les problèmes de déserts médicaux et d’hôpitaux en difficulté, doit aussi prendre garde à ne pas fragiliser les laboratoires sous peine d’avoir des « problèmes d’organisation des soins sur les territoires ». Solenn Poullenn |